Le temps d'une histoire (3/7) | Une simple décoration murale, perchée au dessus d'un bureau encombré par les feuilles et les stylos. Rien d'incroyable. Et pourtant, c'est tout un symbole qui trône là, en silence, presque oublié.
Des heures passées assise à ce bureau, dans cette chambre avec vue sur la Sologne, mais jamais je n’avais prêté attention à cette décoration murale. C’est pourtant moi qui l’ai installée là, il y a déjà une dizaine d’années. Petit morceau de bois créé lors d’un atelier pyrogravure dans le but de servir de patron, la petite colombe a rejoint un panneau, lui aussi en bois, proclamant sobrement « Le meilleur reste à venir. » Je n’avais pas de raison précise de la mettre ici, c’était simplement un joli souvenir et il était dommage de ne pas lui faire voir la lumière du jour.

C’est fou ce qu’une simple décoration créée à partir de rien pour habiller la pièce peut se révéler pleine de sens. La colombe et le panneau, séparément, ne frappent pas vraiment. Ce sont juste deux objets. Jolis, voilà tout. Mais assemblez-les et vous obtiendrez un message fort que la naïveté de la personne qui l’a créé rend d’autant plus beau.
L'espoir d'un monde meilleur
Il ne me semble pas nécessaire de revenir sur la signification de ce petit panneau, il se suffit à lui-même. Par contre, ce petit oiseau qui le survole mérite peut-être quelques éclaircissements. Il n’est pas rare de le retrouver dans les messages appelant à cesser la guerre, à s’aimer les uns les autres. Et pour cause : la colombe est le symbole universel de la paix. Il faut revenir très longtemps en arrière et se plonger dans la Bible pour en trouver la raison initiale. Pas besoin de tout connaître, l’épisode du Déluge suffit. (Vous en trouverez un résumé à la fin de cet article.)
C’est pour savoir s’il peut quitter son arche que Noé envoie une colombe en repérage. L’animal revient alors avec un rameau d’olivier dans le bec. L’eau a donc commencé à descendre, laissant les arbres émerger lentement. Lors d’une nouvelle tentative, l’oiseau ne revient pas, signe que la terre est à nouveau habitable, et que les occupants de l’arche peuvent y retourner. La colombe est ainsi assimilée à la bonne nouvelle. C’est elle qui apprend à Noé la possibilité de reprendre une vie normale, sur la terre ferme. Elle est ainsi porteuse d’espoir : espoir d’une vie meilleure, d’un bon comportement des hommes, et de la paix.
Un symbole qui se popularise
Ce n’est pourtant pas uniquement l’épisode biblique qui a fait de la colombe le symbole de la paix. En y réfléchissant, tout le monde n’est pas au fait de ce récit, mais rares sont les personnes qui ignorent la symbolique derrière cet oiseau blanc. Sa popularité, nous la devons au peintre Pablo Picasso. S’il est connu pour ses œuvres présentant la guerre (Guernica ou Massacre en Corée pour ne citer que les plus célèbres), il est aussi un grand défenseur de la paix. En 1949, Louis Aragon lui demande de réaliser un dessin pour l’affiche du Congrès de la Paix, organisé à Paris cette même année. Le peintre, s’inspirant des pigeons blancs présents dans son atelier et des dessins qu’il réalisait petit, dessine la désormais célèbre Colombe de la paix. Succès énorme, Picasso dessinera ensuite une nouvelle colombe pour chaque Congrès de la Paix.

La colombe continue et continuera d’être le symbole universel de la paix. Elle revient régulièrement dans les dessins de presse, sur les réseaux sociaux, accompagnée de messages pacifistes. En juillet 2016, le dessinateur de presse Plantu postait sur Twitter un dessin d’une colombe pleurant à la suite de l’attentat de Nice. C’est d’ailleurs avec le dessin d’une colombe qu’il a débuté sa carrière chez Le Monde puisqu’en 1972, il illustrait un article sur la guerre du Vietnam en reprenant ce symbole.

La colombe sur mon mur n’est pas aussi belle que celles de Picasso, de Plantu ou d’autres artistes. Elle passe inaperçue, reste discrète. Sans le panneau qui l’accompagne, son message ne m’aurait jamais sauté aux yeux et j’aurais certainement continué de l’ignorer. Maintenant, avec un peu d’imagination, il m’est possible de penser que ce sont ses paroles, à ce petit animal si symbolique. Elle semble me dire, vous dire, que oui, « le meilleur reste à venir, » que les choses iront mieux comme pour Noé, et qu’il faut garder espoir.
Dieu réalise que l’homme qu’il a créé vit dans la haine et la violence. Refusant de le laisser continuer sur cette voie, il décide de détruire la Terre. Tout effacer pour mieux recommencer. Mais il y a un homme, juste et vertueux, qui ne mérite pas ce sort : Noé. Dieu le charge alors de construire la célèbre arche, d’y faire monter sa femme, ses enfants et leurs épouses, ainsi qu’un couple d’animaux de chaque espèce. Une fois l’arche achevée, Dieu lance le Déluge. La pluie s’abat pendant quarante jours sur la Terre, submergeant ainsi l’ensemble de la planète pour 150 jours.
Noé décide ensuite d’envoyer un oiseau en repérage. Si celui-ci ne revient pas, c’est qu’il aura trouvé un morceau de terre viable pour se poser et il sera donc possible de quitter l’arche. Au contraire, s’il revient, c’est qu’aucun espace ne lui a permis de se poser. Il faudra donc attendre que le niveau de l’eau baisse.
C’est un corbeau qui est d’abord envoyé. Mais l’animal n’étant pas particulièrement dérangé par le fait de se mouiller les pattes, il ne revient pas. Cela ne permet pas pour autant à Noé de savoir si la planète est à nouveau viable. Il envoie alors une colombe, qui revient une première fois. La deuxième tentative s’avère plus fructueuse puisque la colombe revient, avec un rameau d’olivier dans le bec cette fois. Cela signifie que l’eau est suffisamment descendue pour que les arbres commencent à être visibles, mais pas assez pour quitter l’arche. L’espoir commence à renaître. C’est finalement lors de la troisième tentative que Noé comprend qu’il peut regagner la surface de la terre : la colombe ne revient pas.
Laura Merceron
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